Quatre heures du mat’, j’ai des frissons. Le frigo est un désert aride en houblon et les invités avinés entonnent « C’est à bouèèèère à bouèèèèère qu’il nous faut !! », sixième couplet.

Besoin urgent d’un ravitaillement. Mais où ? Tu tentes de lire l’heure sur ta montre. Tu ne trouves pas ton poignet. Toute façon, c’est dimanche. Il est trop tard tôt. Tout les commerces sont fermés.

Et d’un coup, tu te souviens. Mais siiiiiii !!! Dans ta tête résonne d’une voix de supermarché : « Le réseau Späti vous accueille du lundi au dimanche, 24h/24, partout dans la ville ». Mais surtout à l’angle de ta rue.

Tenu très majoritairement par des familles turques ou asiatiques, le « Spätkauf » (littéralement, « achat tardif » pour les non-germanophones), c’est l’épicier du coin, le « Tutu », le « Tunard », le « Rebeu ». Avec lui, tout est toujours possible. A n’importe quelle heure du jour et de la nuit, et avec le sourire.

Typiquement berlinois, le Späti est né à Berlin-Est, dans le quartier de Pankow lors des heures les plus glorieuses du socialisme. Un peu partout en RDA, le gouvernement communiste avait créé des « Spätverkaufstellen », magasins ouverts la nuit, offrant aux ouvriers en 3/8 un petit îlot de lumière dans la nuit. Mais surtout un lieu où claquer la paie dans du pain, des cigarettes et… de l’alcool.

Et puis, avec le temps, la clientèle s’est démocratisée et le Berlinois a crée un lien particulier à son Späti. Il passe y choper une bière en rentrant du boulot. Parfois, il y croise son voisin, rouleaux de PQ sous le bras, sourire gêné. On recense aujourd’hui près de 900 « Späti » dans la capitale. On estime que chaque Berlinois s’y rend au moins deux fois par semaine (source Karambolage).

Comme un coiffeur ou un médecin, il est devenu un peu un confident, un pote. A une époque où les commerces de proximité se font bouffer par les grandes enseignes, le Späti s’est enraciné, au point de voir émerger depuis peu le Spätival, festival dédié aux Späti, et une Späti Biennale.

Le Späti, épicerie rustique et minimaliste, (une montagne de caisses de bières, carrelage et néons blancs) est donc devenu une institution.

Alors, qui qui est partant pour un « Späti Tour » ?